A mes gastéropodes mélancoliques,
Il y a souvent des marchés ici et là, des marchés disparates, des marchés éphémères, des marchés constants et journaliers. Et puis dans ces marchés, il y a cette vie où ça grouille d’histoires et de ragots, de mémoires et de jeunesses. Ce sont dans ces endroits que l’on entends les acadabrants récits de ces habitués venus partager leur désarrois face à cette jeunesse fainéante et grossière, ces touristes heureux de découvrir pour la première fois l’odeur du coprah et ces familiers fondus dans la masse, faisant leur panier aussi rapidement qu’une course de Formule 1.
On parle souvent des souvenirs, on parle aussi très régulièrement de Tahiti d’Antan. Mon travail d’archive n’a jamais été autant concret depuis ces dernières années. Chaque jour, un souvenir s’efface. Chaque jour, on oublie le temps qui passe. On délaisse notre mémoire au détriment d’une modernité enivrante. On oublie notre présent pour un passé déjà révolu. On oublie que ces instants du “maintenant”, Sont déjà tombés dans le rang du Passé.
Revenons donc en images sur le marché de Pirae, sur ces instants et ces souvenirs d’une enfant devenue adulte, d’une artiste au Spleen constant et à la mémoire grisée par le temps.
Mémoire d’un enfant
« Au début, ce marché me faisait peur
Je n’étais qu’une enfant en quête d’aventures
Et dont les peurs les plus profondes
Étaient les plus primaires qui puissent exister. Et puis, j’ai appris à aimer cette obscurité,
A la voir belle et mélancolique,
J’ai appris à aimer cette odeur âcre du coprah,
Une exquise finesse olfactive,
Savoureusement alliée à celle du poisson et des plats préparés.
Plus loin, les fleurs de chez Vonbalou sont prêtes à conquérir les cœurs les plus inspirés.
Ses éternelles compositions mises ci et là,
Apportent ces effluves de légèreté qui ravivent un sourire éteint. »
A dire vrai,
« Je n’ai jamais réussi à trouver les mots pour décrire ce souvenir. Ce souvenir d’école où chaque midi durant
Dans la file interminable de la cantine,
Ces basses imposantes bien qu'imperceptibles,
Rythment ces heures tant attendues.
Je n’ai jamais su, encore aujourd’hui,
De quoi résultait ces tonalités,
Car seules les sonorités indistinctes de la basse au loin,
Faisaient resurgir ces instants adorés.
Parfois, je l’entends encore dans la rue et au marché.
Une sorte de playlist intemporelle et inconnue
Que seuls les endroits conservés en ont le secret.
En fait, à y écrire, je pense que cette musique,
C’est l’authenticité à l’état pur,
Ce sont ces notes tendres et arrondies
Mêlées au cri strident et fatigué des vespas antiques,
Rythmé par les pas nonchalants des savates glissant sur la surface du goudron froid matinal.
Toutes ces mélodies dans leur chaos individuel,
En deviennent une symphonie diluvienne
Sans espoir de toucher le temps,
Ni même l’amertume de le voir défiler. »
Maanu RMD.
Ceci, vous l’aurez compris, est un hommage à ce lieu, à ses marchands, à son histoire et ses habitants. Ces quelques mots ne sont que des émotions individuelles, de quelques souvenirs et de quelques moments qui, je l’espère, pourront en raviver chez quelques-uns, dans ce torrent d’informations incessantes.
Pour les curieux et les non informés, le bâtiment sera détruit pour être reconstruit par la suite car totalement insalubre. Les marchands pourront continuer à exercer leur activité non loin de là sur un terrain militaire sous un chapiteau. Sur l’ancien terrain du marché est prévu une reconstruction de ce dernier dans les normes, mais nous connaissons la vitesse et les priorités à ce sujet. Alors, nous nous donnons rendez-vous dans plusieurs années pour son ouverture.
Ceci est un aurevoir comme un autre et beaucoup d'autres vont suivre. N’oublions pas les enfants du présent qui ont grandi avec ces lieux et qui, comme les anciens plus tard, auront le cœur à partager leurs souvenirs avec autrui.
Bientôt, ils ne le pourront plus.
A quand cette prise de conscience de capturer ces lieux voués à être détruits ?
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